Le collège Monge

L’école d’excellence des Pères de l’Oratoire

Au XVI° siècle, la situation de l’enseignement est très dégradée, les locaux menacent ruine, ils sont à proximité des étuves qui sont un lieu de prostitution, et les matières enseignées sont très réduites. Le Conseil de ville décide d’acheter dans le quartier du Bourgneuf (l’actuelle rue du Collège) un meix avec jardin, cour, puits et dépendances, qui est aménagé en collège. Les matières qui sont enseignées en latin constituent un privilège du chapitre de Beaune. Cependant cet établissement fonctionne mal et Beaune envie à Dijon son prestigieux collège des Godrans dont les Jésuites ont la charge depuis 1589.

Les Oratoriens à Beaune

Hormis les Jésuites de grande réputation, il existe une autre congrégation enseignante de très haut niveau : en 1575, Philippe Néri a fondé à Rome une Congrégation destinée à la formation des prêtres. En 1611, Pierre de Bérulle, un ardent défenseur de la réforme catholique en France, fonde l’Oratoire de France sur le modèle italien. Approuvée par le roi et par le pape, la congrégation se développe rapidement et compte plus de 50 maisons en 1613 à la mort de son fondateur. En 1624, l’assemblée générale des habitants et le chapitre de Notre-Dame s’accordent sur le choix des Oratoriens pour ouvrir un collège de 5 classes : lettres humaines, humanité, rhétorique, et philosophie pour les plus grands. Ce programme s’élargit aux sciences physiques et mathématiques où les élèves se distinguent.

Le collège aura notamment pour élèves l’abbé Gandelot, auteur de la première histoire de Beaune en 1773, Gaspard Monge et ses frères, tous mathématiciens de renom, le géographe François Pasumot (et plus tard, au XIX° siècle, le physiologiste Etienne-Jules Marey, inventeur de la chronophotographie).

Les sujets de thèse portent sur la philosophie, la physique, le droit, la mécanique, la chimie, les mathématiques, la géométrie, la géographie, la théologie. Quelques diplômes de thèse sont conservés aux Archives municipales de Beaune.

Durant les prémices révolutionnaires, les pères de l’Oratoire se montrent très ouverts aux idées nouvelles et acceptent avec enthousiasme la Constitution de 1790. Ils se pressent avec leurs élèves pour prêter serment. Claude Gantheret, député du Tiers Etat à la Constituante, est un ancien élève du collège qui compte parmi ses professeurs de rhétorique Joseph Lebon, celui qui deviendra le constitutionnel célèbre sous le nom de « boucher d’Arras ».

Cependant, leur congrégation étant dissoute en 1792, les Oratoriens se voient contraints de cesser leurs activités en 1793. Laïcisé, le collège est dirigé par un principal et des régents. En 1803, c’est une école secondaire. En 1807, suite à la création de l’Université impériale, il reprend le nom de collège. En 1873, il est baptisé collège Monge, en hommage à l’illustre Beaunois inventeur de la géométrie descriptive, co-fondateur de l’École polytechnique.

L’un des proviseurs les plus marquants du XX° siècle a été sans conteste Auguste Dubois. Professeur au Collège Monge de 1884 à 1894, principal du collège de Tonnerre jusqu’en 1898, il revient à Beaune pour assurer pendant 20 ans, les fonctions de chef d’établissement avant d’être élu maire de Beaune de 1919 à 1929. Durant toute la Première Guerre mondiale, il rédige des cahiers où il raconte, jour après jour, la manière dont les échos des combats sont perçus à Beaune et comment il s’emploie, avec ses élèves, à subsister durant ces quatre longues années de privations physiques et morales.

Le Collège Monge

Les Oratoriens décident dans les années 1680 de construire un collège. Un premier devis est réalisé en 1682 par Anthoine Rouillet, ingénieur du roi, et les plans sont confiés à Louis Trestournel, lui-même frère de l’Oratoire. Les travaux sont terminés en 1690. Le collège s’ordonne sur 3 étages distribués par un superbe escalier tournant à retours avec jour. Un fronton triangulaire orne la façade principale dont la porte d’entrée est dominée par clocheton (menaçant ruine, il sera supprimé au début du XX° siècle). En 1752, une nouvelle salle est ajoutée à l’ouest du bâtiment principal, sur les plans de L. Mion, architecte à Beaune.

A côté de leur collège, tout près de la porte Saint-Nicolas, les Pères de l’Oratoire avaient fait édifier en 1703 une chapelle afin de pratiquer leur culte. Ils en avaient également confié les plans à Trestournel. Dès 1710 la chapelle était consacrée. Haute de 2 étages elle suit un plan octogonal inscrit dans un carré et flanqué de chapelles semi-circulaires. La façade, traitée dans le style classique, s’agrémente de pilastres soutenant frise et corniche, surmontées de pots-à-feu. De grandes verrières percent l’élévation des murs orné de niches et de deux loges à balustrade à l’étage.

Tout au long du XIXe siècle, les bâtiments sont restaurés et agrandis. Deux ailes sont construites dans la cour en 1893 et 1897 sur les devis de G. Tixier. A l’écart, une petite annexe baptisée Marey est réservée aux cours de physique, chimie et biologie.

Durant quelque trois cents ans, les hauts couloirs aux voûtes noyées dans l’ombre ont résonné des galopades dans le grand escalier et des voix sonores de générations d’écoliers. Jusqu’à la fin des années 1960, la mixité n’avait pas pénétré les cours d’école, et le collège Monge n’accueillait que des garçons, des petites classes à la première. Mais en terminale arrivait chaque rentrée un petit groupe de filles du lycée Marey dont les faibles effectifs ne permettaient pas d’assurer un cours dans toutes les matières inscrites au baccalauréat.

Une poignée de garçons étaient encore pensionnaires dans ces années-là. On les repérait à leurs grandes blouses grises qu’ils portaient ouvertes avec une savante nonchalance. Les chambres des pensionnaires étaient au dernier étage, le premier était occupé en façade par les appartements de M. le Proviseur et par le Surveillant général, le rez-de-chaussée était réservé aux salles de cours et d’étude, ainsi que les ailes encadrant la cour. Le bureau du Proviseur faisait face au secrétariat, dans l’entrée principale.

Une salle de gymnastique est aménagée dans la chapelle de 1876 à 1896, avant d’être occupée par le tribunal de commerce qui exerce dans ces locaux jusqu’en 1983. Au début des années 1990, la chapelle est aménagée en salle d’exposition.

En 1975, suite à la construction du lycée Clos Maire et du nouveau collège Monge, les anciens bâtiments sont réaménagés en bureaux et salles de réunion afin de recevoir des services municipaux, des associations et des syndicats. Alors que la Recette municipale s’installe dans l’aile ouest, le bâtiment central devient un Hôtel des Sociétés. Les Cours municipaux de formation musicale font place à l’Ecole municipale de musique en 1984. En 1998, le tribunal des prud’hommes s’installe dans l’aile ouest jusqu’à sa fermeture en 2008.

Que reste-t-il aujourd’hui de ce studieux passé ?

L’entrée est ornée de deux grandes plaques de granite noir où sont gravés les noms des élèves du collège morts au champ d’honneur durant la Grande Guerre.

La salle BC 06 où la chorale répète chaque lundi abritait le réfectoire, il communiquait directement avec les cuisines où résonnent à présent les instruments de percussion. L’escalier en colimaçon qui permettait au proviseur ou au surveillant de faire irruption dans le réfectoire est encore en place.

Et surtout, si l’on gravit l’escalier central, il faut prêter attention à la large rampe en pierre qui porte, usés par le frottement des mains, les noms gravés par des générations d’écoliers. Parmi eux, on retrouve toutes les familles de Beaune, et notamment un certain Monge. Mais est-ce bien Gaspard, ou plutôt l’un de ses frères … ?


Voir aussi :

Les oratoriens de Beaune
Gaspard Monge
François Pasumot
Jules Marey


RENAUD (Guy), Histoire de Beaune, La Taillanderie, Chatillon s/Chalaronne, 2005

C.A.U.E., Félicien Carli (dir.), Petite histoire de l’architecture, Beaune depuis l’an 1000, Ed. C.A.U.E. Dijon, 2013

Archives municipales de Beaune :

  • 71 Fi : Diplômes du collège des Oratoriens
  • 3M17, Collège Monge (rue du Collège), 1790-1984.
  • 45Z26 : plaquette de présentation du collège Monge, 1912.