Le village de Bouilland, situé à une dizaine de kilomètres de Beaune, bénéficie d’une situation géographique particulière, niché à l’extrémité du vallon qui s’ouvre sur la plaine à Savigny. Les hautes falaises abritent une flore subalpine. Le site, un cirque naturel boisé, le prédestinait à l’occupation humaine : des cavités plus ou moins profondes, des abris sous roche bien exposés, adossés à de puissantes falaises les protégeant des mauvaises surprises … les premières traces d’activité humaine remontent à l’homme de Néanderthal, mais de façon plus pérenne au Paléolithique moyen, vers 35000 ans av. J-C. Les premières occupations se font sous la roche, près des sources pérennes. Avec la fin de l’ère glaciaire, les hommes colonisent la vallée où le Rhoin fournit l’eau et les vivres. Les fouilles révèlent une occupation du site depuis le Paléolithique : Cave O Muet, Grotte de Joux, la source de la Grande Dore, à quelque 1500 m en amont du village.
La période éduenne puis gallo-romaine avec le camp fortifié du Grand Chatelet et son éperon barré – jusqu’au moyen-âge où il sert épisodiquement de refuge. A proximité de la source de la Grande Dore se trouve un ancien champ de sépultures, les Ossères, où les fouilles menées par la SHAB ont dévoilé une quarantaine de tombes burgondes. En aval du village, une forge prospère, attestée dès le XVe siècle, donne lieu à la création d’un hameau, de part et d’autre d’une grande chute d’eau permettant d’actionner de puissants soufflets.

De la fin de l’occupation romaine à la Révolution de 1789, Bouilland, ses terres et ses familles passent de main en main. Bouilland n’a jamais eu de château, il était siège d’une prévôté ducale puis royale dépendante de la châtellenie de Vergy. Les seigneurs étaient révocables et changèrent souvent : Philibert de Vigny qui reçoit Bouilland de François 1er, puis Philibert Lorenchet, seigneur de Tailly et maire de Beaune, en 1670 c’est Denis Theureau, puis Dupré de Lyon en 1774. Les épidémies et les famines font, comme partout, leur travail de ruine et de mort. Ayant compté jusqu’à 738 habitants selon la cerche de feux de 1285, Bouilland n’en compte plus que 70 cent ans plus tard, après le passage de la Peste noire. Toutefois il semble que l’abbaye de Sainte-Marguerite, édifiée vers 1098 par les moines antonins, ait joué un rôle protecteur pour ses habitants. L’abbaye sert à la fois d’hôpital pour les malades atteints du mal des ardents et de maison-forte, avec son enceinte et son porche-pigeonnier qui témoignent d’un ensemble sans doute beaucoup plus développé. La magnifique statue de Sainte-Marguerite provenant de l’abbaye est aujourd’hui propriété de l’Hôtel-Dieu de Beaune.









Le XIXe siècle marque une période prospère pour Bouilland qui retrouve alors une population de 676 personnes au recensement de 1836, dont 225 enfants de moins de 15 ans. Ces conditions démographiques imposent la construction d’une mairie-école en 1849. En même temps, une voie carrossable est aménagée, aujourd’hui numérotée D2, qui améliore considérablement la circulation entre la vallée et les plateaux et désenclave le village. Encore très sinueux, son tracé sera redressé en 1885. On couvre la rivière, on se préoccupe d’hygiène. Mais ni gare, ni foire, ni bureau de Poste ne viendront consacrer la prospérité du village.
Cela n’empêche pas le Beaunois Joseph Pétasse de tomber amoureux du site de l’abbaye Ste-Marguerite, au point d’acheter en 1853 l’ancienne ferme des Buttes, un ensemble modeste mais disposant d’une vue magnifique sur le vallon, qui deviendra son refuge. Car Joseph Pétasse est poète … il fera en tant que maire de Bouilland une expérience aussi brève que malheureuse, retournant bien vite à ses oiseaux et à ses fleurs sauvages.
Avec le XXe siècle la commune est entravée par des déficits financiers endémiques et sa population diminue de moitié entre 1836 et 1911. On renonce aux dépenses d’électrification. La première guerre mondiale vient aggraver les choses, la commune perd six enfants durant ce conflit. Cependant, une activité demeure florissante : le commerce du bois. C’est une activité complémentaire pour la plupart des agriculteurs : bûcherons, charbonniers, charretiers travaillent avec la plaine, jusqu’à Chagny.
En 1936, après bien des tentatives, la commune quitte le canton de Bligny-sur-Ouche pour être rattachée selon ses vœux au canton de Beaune. L’électricité est enfin arrivée à la Mairie et une certaine forme de tourisme commence à se développer, on aménage l’accès à l’Abbaye Ste-Marguerite et à la Roche percée. Au centre du village, l’auberge Moine accueille voyageurs à cheval et en voiture, les fêtes, les bals et les banquets. La seconde guerre mondiale ne provoque pas de dégât à Bouilland et les soldats allemands ne font qu’y passer ou stationner brièvement. Par contre, deux groupes de résistants se sont organisés non loin, à la ferme de Brully sur la Chaume d’Auveney : le Maquis Valmy et le groupe Edouard. En juillet 1944, un commando de maquisards venu du nord du département tue 5 soldats allemands à Chorey et se replie sur l’abbaye Ste-Marguerite. Le 18 juillet, les Allemands mènent une action de représailles. Un résistant, Bernard Millière, y trouve la mort mais l’ennemi subit des pertes importantes. Parmi les résistants du groupe Valmy honorés lors d’une cérémonie dans la cour d’honneur de l’Hôtel-Dieu de Beaune figurait Bouillandais Alfred Emorine.
La seconde moitié du XXe siècle amène un profond changement dans la population : les jeunes partent ailleurs chercher leur avenir tandis que les touristes, découvrant ce « paradis vert », viennent toujours plus nombreux et cherchent même à s’y fixer. C’est un couple de Parisiens, les Lebreuil, qui reprend le moulin en ruine et le transforme en restaurant à l’enseigne du « Vieux Moulin » (bien coté, il recevra la Reine-Mère Elizabeth en 1976), et deux autres établissements ouvrent leurs portes, « LEscargotière » et « La Bonne Auberge », devenue dit-on la cantine du Chanoine Kir.
Une notoriété assumée en douceur dans ce village qui conserve tout son charme dans son écrin d’eau et de verdure.
La trame de ce texte est tirée du livre de M. Yves Dard cité en bibliographie. Il y mentionne les sources consultées et développe mainte anecdote touchant l’histoire du village.
Yvette Darcy
L’abbaye Sainte-Marguerite
Baigné par un ruisseau tumultueux, le Rhoin, le vallon de Bouilland cache dans ses flancs un trésor d’architecture gothique, l’abbaye Sainte-Marguerite. Fondée vers 1100 grâce aux libéralités des seigneurs de Vergy, elle a été habitée par l’ordre hospitalier des Antonins suivant la règle de l’ordre de St-Augustin, qui soignaient le feu de Saint Antoine ou mal des ardents, maladie provoquant des sensations de brûlure, allant jusqu’à la gangrène des extrémités, et provoquée par une maladie cryptogamique du seigle, l’ergot. Mise en commende, l’abbaye périclite rapidement et dès la fin du XVII° siècle, la communauté n’existe plus. L’abbatiale est inscrite depuis 1925 et tout le site est protégé par les Monuments historiques depuis 1970. A proximité, un chemin ombreux aboutit à une terrasse à flanc de coteau où a vécu le poète beaunois Joseph Pétasse.
L’abbaye aujourd’hui propriété privée n’offre plus que de loin la vue romantique de ses voûtes gothiques dont il ne reste que des pans de murs gouttereaux, quelques nervures de voûtes et piliers portant encore de beaux chapiteaux, chapiteaux et en façade très belle fenêtre à remplage.
Le Monument aux Morts de la Grande Guerre
Erigé en bordure de la RD 2 à la sortie du village, en direction d’Antheuil, il est propriété de la Commune.
Description : ensemble formé d’un obélisque posé sur un socle, reposant lui-même sur un double soubassement entouré de pierres de roche. L’obélisque est souligné en son sommet d’une gorge et décoré sur sa face principale d’une palme sculptée sous laquelle figurent les noms des victimes. Les faces de côté sont ornées de palmes simplement gravées. Sur le socle est fixée une plaque de marbre blanc réservée aux victimes de 1939-1945. D’une hauteur de 2.25 m, il est en pierre calcaire lisse, posé sur une terrasse formant jardin, entourée d’une grille simple, à laquelle on accède par un escalier.
Inscriptions : sur le socle de la face principale : LA COMMUNE DE BBOUILLAND A SES SOLDATS MORTS POUR LA FRANCE. Sur la plaque : GUERRE 1944-1945.
Soldats morts pour la France, 1914-1918 : SERRIGNY Felix, dit Emile, EUSTACHE Georges Marie, VAUCHEY Victor, BAUDINET Arthur, RENE Auguste, CHAMARD Jules. Quatre sur six avaient 20 ans.

Le monument rend hommage à une victime de la Seconde guerre mondiale : René MAIRET, tombé lui aussi à 20 ans le 3 décembre 1944. Cependant, à quelques kilomètres de là en bordure des bois, un monument est érigé à la mémoire de Bernard MILLIERE membre de la Résistance, exécuté par les Allemands le 18 juillet 1944.

Plaque funéraire apposée dans l’église paroissiale
Une plaque de granit rouge poli dont le bord supérieur est orné d’une découpe en arrondi, surmontée d’une croix latine également en granit poli, porte l’inscription encadrée par des rameaux de chêne et de laurier : PAR LA NATION, LA VICTOIRE, HONNEUR GLOIRE PAIX ETERNELLE, LA PAROISSE RECONNAISSANTE A SES ENFANTS MORTS POUR LA PATRIE, 1914-1919 – Noms des victimes – SOUVENIR DEVANT DIEU.
Enquête réalisée par S. Dollinger et Y. Darcy, 2005-2007.
Bibliographie indicative
MSHAB : Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Beaune, consultables au siège du CBEH et en ligne sur le site gallica.bnf.fr
RCBEH : Recueils du Centre beaunois d’études historiques, consultables et disponibles à la vente au siège du CBEH
ROBLOT H., « Rapport sur les fouilles opérées dans le polyandre mérovingien de Bouilland », MSHAB, t. 16, 1892, pp. 195-200.
THEVENOT Emile, « Le camp du Chatelet à Bouilland et les camps-refuges du Beaunois », BSHAB 1 et 2, juin 1948.
BIGARNE Charles, « Excursions archéologiques, Bouilland, Aubaine, Antheuil, Veuvey », MSHAB T. 19, 1895, pp. 91-112.
PROVOST Michel et alii, Carte archéologique de la Gaule, Editions MSH, Paris, 2009, tome 1, cartes, photos, pp. 102-104.
PETIT Isabelle, « Un ancien établissement augustinien : l’Abbaye Sainte-Marguerite de Bouilland », RCBEH T. 21, 2003, pp. 45-66.
DELISSEY Joseph, « L’abbaye Sainte-Marguerite de Bouilland », Pays de Bourgogne n° 16,
DARD Yves, Bouilland, 72 000 ans d’histoire et d’histoires, chez l’auteur, 278 p., 2013.